par Marock » Octobre 8th, 2012, 5:45 pm
L' analphabétisme...
J' allais en causer, les couches.
Pas seulement défavorisées, je dirais inculturées, sans hargne aucune envers nos braves cultivateurs.
Parce que moi, l' armée des années septantes, je l' ai subie, et de l' intérieur.
Pas trop longtemps, il me faut l' avouer, heureusement.
La suite :
L’ armée
Gare de Blois , matin glauque
300 gusses , environ le même âge , la moitié , déjà ils étaient bourrés
Et puis avec des accents , à n’ y pas retrouver un mot de français
Parmi , une vingtaine , on se reconnaissait , l’ air farouche , obstiné
Il fallait un quota , une bonne partie y passerait , des sursitaires
Regard du coin de l’ oeil , chacun pour soi , là vraiment , la pitié avait pas place
C’ est par où , la caserne ? Pas longtemps à se poser la question
Les camions bâchés , leur belle couleur caractéristique , et que ça saute
Blois , je connaissais un peu , j’ y étais passé , belle ville il m’ avait semblé
Mais là , je sais pas , peut être les circonstances , comme un nuage de suie sur le patelin
Mais le plus beau , la caserne . C’ est pas possible , on l’ avait trempée dans le goudron
Pour commencer , douche générale et collective
A 300 ? Avec eux ? Mais c’ est un coup à s’ attraper des morpions d’ une race inconnue jusqu’ alors .
Echappatoire , là un couloir , à gauche , un escalier , merde , un toubib
De mon âge , un peu plus il me semble , et qui se marre
Là , je vais pas y couper aux ablutions féroces
« Allez , suis moi dans mon bureau »
Et il nous ouvre chacun une bière , on parle
C’ est vrai , à l’ époque je bossais en fac de médecine , ça crée des liens
Je la connaissais , moi , la médecine , je le savais , le plus dur à dissimuler , l’ état de santé
Avec nos appareils à impulsions rotatives inversées , on savait tout du patient
Même plus qu’ il pouvait en connaître sur lui
« Là , mon coco , t’ auras beau être le pire des sourds , jouer l’ aveugle , étouffer comme un asmathique , ça aura du mal à prendre »
Oui , je le savais , ce serait le plus dur , mais je me doutais pas , les pièges
Tout le monde est propre ? Allez , maintenant , détection des capacités intellectuelles
Là , vraiment , du gâteau , il suffit de répondre à côté de chaque question pour passer pour le plus parfait des crétins
Au début , pas de problèmes , questions faciles , réponses de travers
Et puis les épreuves qui deviennent subtiles , délicates , même
Ah , ils croient que je vais pas savoir répondre , ces cons !
Merde tombé dans le piège , c’ est vraiment moi , le con
« Les ceusses dont les noms suivent , suivez moi »
Et , bien sur , on s’ est retrouvés ensemble , les vingt hagards du matin
Alors là , un bel officier , des galons partout , sur les manches , le képi
Mais l’ air un peu désabusé , quand même
« Mes chers enfants , les tests précédents ont montré votre aptitude à intégrer une école d’ officier , je pense que tous serez les plus zélés volontaires pour cette formation d’ élite »
Un silence , épais comme la subtilité d’ un adjudant chef , infiltre nos rangs
Non , si , une voix dans le fond « Moi, mon amiral , moi , mon amiral »
« Votre nom ? cher enfant »
Il s’ était trompé de salle , le pauvre , il a rejoint sa section , celle des psychopathes aggravés
Les larmes dans les yeux d’ un officier , il faut l’ avoir vu
Il a fallut le consoler , on n’ est pas des brutes
« votre proposition est très interressante , mon général , vraiment , enthousiasmante même , mais si on ne réussit pas à y couper , à vos seize mois , on préfère allez éduquer le tiers monde pas par vocation , certes , mais , faire le pitre au tableau sous les palmiers devant 50 hilares , ça doit être moins pire que marcher en rangs synchrones dans vos locaux nauséeux , merci quand même pour l’ avant goût »
Ont suivit diverses festivités , films à la gloire de ce grand corps , exposés sur les grandes oeuvres accomplies , je me souviens plus très bien . Je cultivais mon état comateux .
Une chose qu’ on avait gagné , nous les 20 , on nous a mis à dormir à part , et c’ était tant mieux , parce que le raffut qu ‘ ils arrivaient à élaborer , les autres , de l’ autre bout de la caserne , on l’ entendait .
Et l’ épreuve de vérité éclata .
Toussant , crachant , « j’ y vois rien, j’ ai pas entendu , j’ arrive pas à souffler plus fort dans votre bidule » , tout , vraiment tout , j’ ai essayé .
« Te fatigues pas , mon pote , on continue même pas les tests »
Tiens , mon copain , le toubib
« De toutes façons , tu pars en coopé »
Ah , le fumier , il savait tout , la carne .
Plus tard , il m’ a expliqué , tout ça était bidon , on avait déjà la feuille de route en fouille avant même d’ avoir franchit la porte de la caserne .
« Tu sais , la médecine militaire , par rapport à la médecine , c’ est comme la musique militaire par rapport à la musique »
Les vingt , tous , on y a été envoyés , dans les ex colonies
Bon , ben , allez , vive l’ aventure , on est parti arroser ça
Le retour , le train , des compartiments entiers de futurs bidasses , fallait voir à quoi on avait échappé .Tous bien contents , quelques uns , quand même qui pleuraient , ils avaient pas réussit le concours . Là vraiment de voir ça , il y a de quoi pleurer .