par Olivier » Mai 6th, 2012, 2:18 pm
Dans ma famille (catholique romaine), la religion occupait une place discrète. Pour mon père, elle était un pilier de l’ordre social — et mon père n’était pas maurrassien pour autant. Il avait fait sa profession de foi dans les catacombes de Paris, au cours de l’occupation allemande. La religion et la patrie formait une sorte de tout. Il respectait Israël. Il ne me parlait guère des Juifs. Ma mère apportait à la religion la touche sentimentale, avec tout ce que la religion catholique peut avoir de sentimental. Mais, surtout, elle était artiste. Sa sensibilité à l’art était extraordinairement fine. Elle ne faisait pas le catéchisme, elle m’emmenait dans les musées et les galeries et nous regardions ensemble des livres d’art. Ses connaissances étaient vastes. Elles me fit découvrir les vierges romanes de Catalogne et d’Auvergne, les primitifs français, le Quattrocento. Elle aimait passionnément Giotto et Fra Angelico. Bref, avec ma mère, je partais dans les hautes sphères de l’art, tout naturellement. Ma grand-mère maternelle et sa sœur, des Grecques, m’évoquaient toujours les Juifs avec émotion. Elles me disaient : «Nous sommes des égaux, des races antiques, etc.» J’aimais beaucoup cet aristocratisme. Je me souviens que ma grand-mère a éclaté en sanglots lorsqu’elle s’est mise à me parler des Juifs et de leur souffrance. Cette scène m’a probablement très profondément marqué.