Cher Olivier. T'avoir connu est déjà un immense bonheur.
Enfin ! Me suis-je dit. Un chrétien, pratiquant qui accepte de parler de ce qui fâche, qui entend mes critiques acerbes à l'égard de son Eglise, qui écoute mes cris sur l'injustice faite à mon peuple depuis si longtemps et pire encore...qui les comprend.
Que de chemin parcouru avant de rencontrer enfin un véritable frère en humanité. Que la route fut longue. Même si parfois j'ai perçu dans les écrits d'érudits une forme d'excuse, une réelle compassion vis à vis du sort funeste fait à mon peuple, je n'ai jamais senti cette délicieuse liberté d'enfin tout se dire, tout décortiquer, tout décrasser dans les moindres recoins de notre mémoire collective, de notre vécu si différent et de notre foi toute aussi différente.
Lorsqu'on est enfant et juif, on a du mal à répondre lorsque les chrétiens nous demandent en quoi nous nous distinguons le plus d'eux...les dominants. Difficile parce que nous n'avons pas les armes, les outils, la connaissance adéquate pour répondre.
De façon presque automatique, les uns et les autres, les juifs et les goys, nous convenions du schisme le plus évident : Jésus n'est pas le Messie des juifs, il est le fils de D.ieu pour les chrétiens. Pour ce que nous en comprenions, la trinité nous étant totalement inaccessible par la raison.
On doit faire sa vie avec ce truc informe et basta.
Selon ce qu'on aura subi et là, je parle des juifs en terre chrétienne, on accordera plus ou moins d'importance à ce « pacte » simpliste : « nous n'avons pas le même D.ieu ».
C'est ainsi que nous resterons chacun à notre place dans un monde imparfait et que l'antisémitisme lié à l'anti-judaïsme multi-séculaire de l'église pourra se propager à jamais.
Et pourtant, mon ami, mon frère, bien des choses auraient pu être différentes si dès le début, au lieu de lancer les ouailles à l'assaut des « tueurs de Jésus », on avait mis en exergue les paroles de Marc Mark 12:28-30 :
28 Un des docteurs de la loi est venu et a entendu les débats. Remarquant que Jésus leur avait donné une bonne réponse, il lui demanda, "de tous les commandements, ce qui est le plus important ?"
29 "Le plus important», répondit Jésus, «est la suivante:« Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est un.
30 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit et de toute ta force. ".
ou encore celles de Mathieu :
36 Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ?
37 Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.
38 C'est le premier et le plus grand commandement.
39 Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Voici donc le fameux verset :"Tu aimeras ton prochain comme toi même ", dont le christianisme s'attribue généreusement la paternité alors qu'il était inscrit dans la Torah quinze siècles avant la naissance du Nazaréen !
Mais que vois-je mon ami ? Le Shéma ? Les apôtres parlent bien du Shéma ?
Écoute, Israël, l'Éternel, notre Dieu, l'Éternel est UN. Chmâ, Israël, Ado-nay Elo-henou, Ado-naï Ehad' שְׁמַע, יִשְׂרָאֵל: יְהוָה אֱלֹהֵינוּ, יְהוָה אֶחָד. Béni soit à jamais le nom de Son règne glorieux. Baroukh chem kevod malkhouto le'olam vaed Tu aimeras l'Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens.
Pourquoi donc les pères de l’Église, tous les curés, les moines, les nonnes, les saints n'ont-ils pas inculqué les valeurs que même le Christ commandait qu'on s'y conformât ?
Pourquoi avoir massacré tant des miens qui ne se levaient et ne se couchaient qu'avec la promesse renouvelée du Shéma ?
La manipulation des foules sans doute et la diabolisation d'un peuple "révolutionnaire" dans le bon sens du terme. Discuter, comprendre la loi, EXIGER que la raison soit omniprésente dans la pratique du judaïsme, c'en était trop pour des dirigeants d’Églises qui ne demandaient que soumission à la croyance, offrant comme bouc émissaire le peuple même dont leur D.ieu était issu et pire encore profondément attaché à sa loi.
Avant...C'était avant...C'était il y a longtemps...
Hélas mon ami chéri.
Rien n'a jamais été fait pour que ces versets si méconnus de la communauté chrétienne qu'elle soit apostolique et romaine, orthodoxe russe, grecque, arménienne, copte voire parfois chez les protestants, RIEN ne semble vouloir bouger de ce côté là.
Si d'un coup, presque violemment, des théologiens chrétiens commençaient par non pas évangéliser mais faire comprendre avec autant de ferveur qu'ils mirent jadis à vilipender les juifs, les apports réels de la loi juive, alors peut-être que cela prendra du temps, mais qu'enfin nous pourrons un peu réparer (dans le sens du tycoon olam*) les profondes blessures des âmes juives.
Vœu pieu mais nécessaire, urgent.
Le monde vacille encore une fois. Des tenants d'une nouvelle foi, ressemblants étonnamment dans ses travers à cette Église tant honnie par moi-même, sont en train de faire de notre planète un terrain de jeu sanglant.
Il suffit de tergiverser au Vatican !
Que les hommes et femmes se reconnaissant disons uniquement sur le Shéma, (au diable les autres différences), se joignent enfin pour contrer cette force malfaisante qui veut faire de nous des soumis. Faisons un socle commun qui déjà existe et retournons dans nos chapelles respectives.
Nous ne pouvons ni ne devons nous soumettre, mon ami.
Regarde nos hommes prier. Ils sont le parfait contre-exemple de ce que l'islam demande à ses fidèles.
Debout, c'est toujours debout, sans jamais mettre un genou à terre que nous prions le Tout Puissant. Nous saluons son nom lorsqu'il apparaît dans nos prières, ce qui explique cette cadence que prend le récitant. Mais c'est tout. Peut-on voir dans la posture du prieur juif un éclatant hommage à la liberté ? Je le pense mais tu sais moi...je ne suis guère la plus douée dans la chose religieuse. C'est mon sentiment et paraît-il qu'il compte.
Voyez-vous ça ! Les femmes exemptes de rendre des comptes car elles auraient la Tora innée nous expliquent nos sages.
Émancipatrice aussi la religion juive ? On verra cela plus tard, au gré de nos échanges, de nos découvertes.
Ton amie à jamais,
Nina
*Le tikkoun olam (hébreu : תיקון עולם, « rectification (ou « réparation ») du monde ») est un concept juif, recouvrant en grande partie, et entre autres, la conception juive de la justice sociale.
