Nous avons bel et bien changé, piétiné la cellule familiale et fait de nos ancêtres de "vieilles machines cassées" qu'on a mis loin, au rebut.
Oui, il y a toujours de bonnes raisons pour se débarrasser de nos vieux.
"Ils perdent la tête. Je dois bosser. Ils font peur à nos enfants. Je n'ai pas le temps de m'en occuper...etc...etc...".
Les vieux ne sont pas esthétiques. Ils font désordre devant les amis qu'on aime recevoir n'est ce pas ?
Je n'ai pas eu ce dilemme. Je ne l'aurais jamais eu de toute façon.
"Les vieilles machines cassées" ce sont les termes de mon père qui nous emmenait à "l'hospice" alors que nous étions très jeunes mon frère et moi.
Vous dire qu'on y allait de gaité de cœur serait malhonnête mais nous avions compris ce qui se jouait un peu plus tard.
Mon père, élu de sa ville ne ménagea pas ses efforts et ces hommes et femmes qui demandaient un peu d'attention pour sentir qu'ils vivaient encore, réclamaient quelques douceurs qui leur manquaient. De la confiture en plus, quelques petits gâteaux secs...Rien de bien coûteux.
C'est mon père qui batailla aux réunions afin que ses vieillards qui n'avaient plus de visites de leurs progénitures ou une fois par an et de mauvaise grâce, puissent recevoir un colis chaque mois avec plein de bonnes choses. "On se souvient de vous !".
Puis deux banquets d'honneur par an où on mettait assez d'argent pour avoir en sus une chanteuse qui connaissait les vieux répertoires.
On convoquait des jeunes qui devaient ces jours ci s'occuper des pauvres "machines cassées".
Ce n'était rien et c'était énorme pour elles...J'étais si fière de mon père !
Chez nous, il aurait été impensable ne serait-ce que songer à se débarrasser de parents et encore moins des nôtres. Il y aurait eu plutôt bagarres pour se les partager.
Ma grand-mère en profitait pour se faire gâter et croyez-moi, elle en abusait. Mais l'avoir à la maison c'était la fête.
Alors ces histoires horribles d'EPHAD, de maltraitance sur personnes vulnérables, c'est à crever de tristesse et de désespoir.
L'esthétisme, l'égoïsme de ces générations qui ne "peuvent pas s'occuper de leurs parents" me sont si étrangers que je répondrais à ces plaignants qui aujourd'hui s'en prennent à ces structures qui accueillent leurs vieux : "Où étiez-vous durant des années pour vous apercevoir des maltraitances faites sur vos parents ?".
Pour moi vous êtes aussi coupables. Tout comme le sont ces "soignants" qui n'osent pas être filmés pour éviter de pseudo-représailles et savaient depuis longtemps ce que ces pauvres "machines cassées" subissaient tous les jours et durant le peu d'années qui leur restaient.
Non, ce n'est pas seulement ces pervers des Directeurs d'EPHAD pour lesquels le profit n'a pas de frontières qui sont coupables mais TOUS CEUX QUI SAVAIENT ET SE SONT TUS.
La vieillesse...A moins de mourir au bon moment, c'est comme la mort, TOUT LE MONDE Y PASSE !
Aussi, vais-je raconter le petit conte juif que tout le monde devrait connaître.
Un jeune garçon et son père emmenaient le grand-père à l'hospice.
Il était évident que le père du jeune garçon était triste mais sa femme ne voulait plus s'occuper du beau-père.
Arrivés devant l'entrée, le père prit son père doucement et l'aida à marcher vers sa nouvelle demeure.
Au dernier moment, il demanda à son fils d'aller chercher la couverture de papy car il n'aimait pas s'en séparer.
Le jeune garçon s'exécuta tandis que le grand-père et le père attendaient devant l'entrée.
Au bout d'un long moment, le jeune garçon réapparut avec la couverture et son père lui demanda pourquoi il avait mis tant de temps pour aller la chercher.
"Papa, j'ai du la couper en deux pour garder ta moitié.".
Ca fait mal n'est ce pas ?
Payer tant d'argent pour ne pas avoir dans les pattes la maman ou le père qui vous a élevé, qui s'est levé la nuit pour voir si votre fièvre avait baissé...Non...Ne me dites surtout pas que "vous n'avez pas le temps et qu'ils perdent la boule".
C'est vous qui l'avez perdu avec le reste d'humanité qui devait se vautrer quelque part en vous.