Le nouvel enseignement du mépris Par Guy KONOPNICKI
Publié: Juillet 24th, 2011, 10:41 am
France: l’éditeur Hachette refuse de corriger les manuels scolaires anti-israéliens ! par Jean-Marc Moskowicz
Une circulaire parue au Bulletin officiel de l’Education nationale recommande de remplacer le terme Shoah par « anéantissement ». Ce mot serait plus rigoureux, et le rôle de l’école étant d’assurer la défense et l’illustration de la langue française, il semble bien naturel de bannir toute importation de l’Hébreu. Respectant cette recommandation, le manuel d’histoire présenté par les éditions Hachette pour les classes de première évoque donc l’anéantissement des juifs par l’Allemagne nazie, en évitant le mot. La chose effroyable est correctement décrite, mais sans le mot. Sauf, bien sûr, dans le titre de l’enseignant invité à rédiger ce chapitre, Iannis Roder, responsable des formations pédagogiques au Mémorial de la Shoah.
Or, on se souvient qu’une enseignante de Nancy, Catherine Pederzoli, faisant l’objet d’une suspension disciplinaire, s’était vue reprocher son emploi systématique et donc abusif du mot Shoah, et ce, dans un rapport à charge rédigé par les inspecteurs généraux d’histoire. Traduite devant un conseil de discipline, Catherine Pederzoli a été réintégrée, le conseil n’ayant pas retenu les charges concernant l’emploi du mot Shoah, ni celles portant sur le contenu de l’enseignement dispensé tant en classe que lors des voyages de la mémoire. Mais si l’affaire Pederzoli est close, la querelle portant sur le mot Shoah n’est nullement anecdotique.
L’inspection générale de l’Education nationale rejette un terme, au motif qu’il ne vient pas des historiens, mais du travail d’un cinéaste, Claude Lanzmann. Le mot Shoah peut, à la rigueur, être mentionné en tant que terme adopté par l’Etat d’Israël pour désigner l’anéantissement des juifs d’Europe.
Passe que l’Education nationale ne parvienne toujours pas à admettre le cinéma comme moyen d’investigation historique ! L’inventeur de ce procédé, Louis Lumière, était tout de même membre de l’Académie des Sciences. Il est vrai qu’il s’y distingua, en 1942, par un éloge des progrès scientifiques de l’Allemagne hitlérienne, mais l’engagement des frères Lumière dans la collaboration ne les empêche pas d’avoir été à l’origine d’un bouleversement des moyens de la pensée. Le paradoxe du cinéma, c’est d’avoir été rapidement considéré comme un instrument d’hégémonie culturelle placé entre les mains des juifs, en dépit de l’antisémitisme de ses inventeurs. La négation de la valeur historique du film de Claude Lanzmann s’enracine tout à la fois dans cette prévention vis-à-vis du cinéma et dans l’insupportable soupçon de manipulation, de partialité, qui s’éveille dès lors qu’un juif aborde, en tant que tel, l’histoire de la Shoah.
Lanzmann n’a pas choisi par hasard le mot Shoah. Il s’agissait de désigner le caractère unique du génocide des juifs, sa planification systématique par le régime nazi, sa place centrale et obsessionnelle dans la politique hitlérienne. Et, ce qui est plus difficile à faire admettre à nos esprits clairs et rationnels, la désignation en hébreu de la Shoah porte aussi la singularité du peuple juif.
L’ Éducation nationale refuse donc un traitement trop singulier, trop juif, ce qui revient à réduire la dimension singulière de l’événement à sa durée et à son ampleur. Il ne faudrait surtout pas que les élèves s’interrogent sur l’histoire des enfants d’Israël, sur ce qui les distingue des autres victimes de génocides, Arméniens, Tzigane, Tutsies, et tant d’autres encore. Bien évidemment, il importe de montrer ce qui unit des peuples différents lorsqu’ils sont victimes de la barbarie. Mais chaque acte criminel s’inscrit dans une histoire. Celle de la haine des musulmans pour les Chrétiens s’agissant du massacre des Arméniens par les Ottomans. Et pour ce qui concerne la Shoah, les inspecteurs d’histoire comprendraient mieux sa spécificité, en relisant l’Enseignement du mépris. L’auteur, cette fois, n’était pas extérieur à l’Education nationale, il avait rédigé des manuels d’histoire que ceux d’aujourd’hui nous font regretter ! Et Jules Isaac montrait comment
l’antisémitisme européen, depuis l’accusation de déicide avait pu conduire au nazisme et à la solution finale. La spécificité de la Shoah, tient à son enracinement dans l’histoire de l’Europe et dans celle du peuple juif.
Ce que l’on reprochait à Catherine Pederzoli et que l’on reproche toujours à l’association Déportation Persécution Mémoire, animée par le rabbin Michel Serfaty, c’est d’inscrire l’histoire de la Shoah dans l’histoire du peuple juif. Mais tout s’explique quand notre manuel d’histoire Hachette pour les classes de première aborde la question de la « Palestine ». J’emploie les guillemets, parce que cette « Palestine » est un territoire imaginaire que nos historiens substituent à la réalité politique, historique et géographique, constituée, depuis 1948, par l’Etat d’Israël. Sur trois pages d’histoire, on n’a pas trouvé le moyen d’employer l’expression reconnue par les Nations Unies, définissant un état souverain, l’Etat d’Israël.
Pourtant ce chapitre consacré au partage de la Palestine comporte un petit encadré indiquant aux élèves le vocabulaire à connaître. Et si le mot hébreu Shoah est désormais proscrit , on introduit en revanche le terme arabe « nakba ». Avec cette définition : « nakba (catastrophe en arabe), expulsion des Palestiniens en 1948 ».
On ne saurait mieux falsifier l’histoire qu’en présentant la création de l’Etat d’Israël comme l’expulsion d’une population légitime. Naturellement, il n’est nullement question de l’appel du muphti de Jérusalem à quitter les régions sous souveraineté juive, pour y revenir après la victoire des armées arabes qui se ruaient sur le nouvel Etat d’Israël. Mais tout le chapitre vise à nier toute légitimité à Israël.
Les élèves de première seront d’autant moins critiques qu’ils auront été préparés, dès la quatrième, par un autre manuel Hachette. On y voit, dans la vieille ville de Jérusalem, une pauvre petite fille brune avançant entre deux rangées de soldats israéliens. Nous sommes dans un pays occupé, dans une ville, Jérusalem, où l’on conviendra que les juifs n’ont rien à faire. En quatrième, il faut un choc émotionnel. L’enfant martyr de Palestine marche entre les soldats juifs !
L’explication viendra en première avec les termes à connaître.
Avec cette définition : « sionisme : idéologie et projet politique visant à créer un Etat juif indépendant en Palestine ».
Le sionisme est une idéologie, terme qui porte désormais une connotation péjorative, renvoyant aux régimes fondés sur une idéologie, les fascismes et le stalinisme. Les élèves ne seront pas instruits de l’histoire du sionisme, comme mouvement d’émancipation nationale du peuple juif, ils devront le considérer à titre d’idéologie.
La libération nationale se trouve de l’autre côté. L’œil est attiré par une photo ainsi légendée : « 1936 manifestation pour l’indépendance la Palestine ». Or, il s’agit d’une manifestation pour la terre aux Arabes, contre le développement du Foyer national juif. Non seulement ces manifestations arabes ne s’opposaient pas au colonialisme britannique, mais elles étaient largement encouragées par les Anglais. Elles servirent de prétexte au contingentement de l’immigration juive, à la veille de la Shoah.
Rien dans ces pages ne permet de comprendre comment et pourquoi des centaines de milliers de juifs se trouvaient sur la terre d’Israël en 1947 – 48 . Le sionisme étant une « idéologie », au mieux un projet politique, on ne saura pas que ce mouvement s’est propagé à travers l’Europe dès sa création. On ne saura rien de son caractère progressiste, de ses structures politiques et de l’organisation du Foyer national avant l’indépendance. Il ne sera jamais question de la place de Sion dans l’histoire et l’imaginaire des enfants d’Israël, bien avant la fondation du sionisme politique. Les élèves apprendront que la « Palestine » a toujours existé, comme pays, ils ne sauront pas que l’administration ottomane l’avait divisé en provinces, dépendant chacune du gouvernement de l’empire. On ne leur dira pas qu’il y avait, à l’époque des Sultans, des populations musulmanes, chrétiennes et juives, mais qu’elle ne formaient pas un peuple palestinien. Surtout : les élèves devront ignorer que le caractère particulier de cette région tient à peuple ancien, qui a bouleversé l’histoire de l’humanité en récusant les idoles païennes et en adoptant une loi écrite, faite de principes qu’aucun monarque ne pouvait modifier, parce ce peuple reconnaissait une autorité, supérieure à celle des hommes. On peut interpréter l’histoire de toutes les manières, être rationaliste, rigoureux, objectif, respectueux de tous les peuples, même quand ils sont deux à revendiquer la même terre. Mais on défigure l’histoire, en retirant au peuple juif son antériorité, en refusant de le considérer comme une nation.
La logique de ce manuel d’histoire tient à la suppression non d’un seul mot mais de deux. Shoah et Israël ! La destruction du peuple dont le nom est Israël, le refus de reconnaître que l’échec de la politique « d’anéantissement » comme ils disent, fut la proclamation de l’Etat indépendant d’Israël.
Ces manuels scolaires fondent un nouvel enseignement du mépris. L’ancien, dénoncé par Jules Isaac, reposait sur un catéchisme, auquel l’Eglise catholique a eu le courage de renoncer. Las ! L’école laïque, qui nous donna pendant plus d’un siècle, l’antidote aux préjugés de l’antisémitisme clérical, l’école laïque diffuse désormais le nouvel enseignement du mépris.
L’antisémitisme naît souvent de la négation d’un père fondateur juif. Il en fut ainsi pour celui de l’Eglise, comme pour celui du communisme. Depuis des années, de réforme en réforme, l’enseignement de l’histoire dans les lycées se veut moderniste, en rupture avec le récit universel et le roman national français que racontaient nos vieux Malet Isaac. Ces merveilleux manuels d’histoire ont formé des générations de lycéens. Ils ont été remisés au grenier des souvenirs, au nom d’une idéologie du respect des diversités. La glorification de l’histoire de France pouvait heurter des élèves issus d’anciens peuples opprimés. Et puis, le récit historique linéaire, la chronologie, les batailles, c’était ringard. Il importait seulement de donner « des clefs pour comprendre », et le nouveau manuel Hachette s’intitule « clefs pour comprendre le XXè siècle ». Après avoir organisé la méconnaissance de l’histoire générale et la liquidation de l’histoire de France, les pédagogues de l’Education nationale proposent des clefs idéologiques, pour comprendre d’où viennent les malheurs du monde. Et ces malheurs ont pour origine l’expulsion des Palestiniens par les juifs, avec pour illustration, une photo montrant des soldats israéliens entassant des Arabes dans un camion. C’est que si le nom de l’état d’Israël est interdit, l’adjectif israélien peut s’employer, mais avec le substantif soldat…
Jules Isaac est loin. On ne songerait même pas à citer son nom et son histoire, à titre de clefs pour comprendre la Shoah, pardon l’anéantissement. Isaac Jules : Historien français radié de l’Université par Vichy. Il consacra les dernières années de sa vie à extirper l’antisémitisme de l’enseignement historique, en souvenir de sa fille et de son gendre, déportés et assassinés, parce que juif. Ce père fondateur de notre enseignement secondaire est aujourd’hui renié, au profit d’une vision manipulatrice de l’histoire.
GK
Une circulaire parue au Bulletin officiel de l’Education nationale recommande de remplacer le terme Shoah par « anéantissement ». Ce mot serait plus rigoureux, et le rôle de l’école étant d’assurer la défense et l’illustration de la langue française, il semble bien naturel de bannir toute importation de l’Hébreu. Respectant cette recommandation, le manuel d’histoire présenté par les éditions Hachette pour les classes de première évoque donc l’anéantissement des juifs par l’Allemagne nazie, en évitant le mot. La chose effroyable est correctement décrite, mais sans le mot. Sauf, bien sûr, dans le titre de l’enseignant invité à rédiger ce chapitre, Iannis Roder, responsable des formations pédagogiques au Mémorial de la Shoah.
Or, on se souvient qu’une enseignante de Nancy, Catherine Pederzoli, faisant l’objet d’une suspension disciplinaire, s’était vue reprocher son emploi systématique et donc abusif du mot Shoah, et ce, dans un rapport à charge rédigé par les inspecteurs généraux d’histoire. Traduite devant un conseil de discipline, Catherine Pederzoli a été réintégrée, le conseil n’ayant pas retenu les charges concernant l’emploi du mot Shoah, ni celles portant sur le contenu de l’enseignement dispensé tant en classe que lors des voyages de la mémoire. Mais si l’affaire Pederzoli est close, la querelle portant sur le mot Shoah n’est nullement anecdotique.
L’inspection générale de l’Education nationale rejette un terme, au motif qu’il ne vient pas des historiens, mais du travail d’un cinéaste, Claude Lanzmann. Le mot Shoah peut, à la rigueur, être mentionné en tant que terme adopté par l’Etat d’Israël pour désigner l’anéantissement des juifs d’Europe.
Passe que l’Education nationale ne parvienne toujours pas à admettre le cinéma comme moyen d’investigation historique ! L’inventeur de ce procédé, Louis Lumière, était tout de même membre de l’Académie des Sciences. Il est vrai qu’il s’y distingua, en 1942, par un éloge des progrès scientifiques de l’Allemagne hitlérienne, mais l’engagement des frères Lumière dans la collaboration ne les empêche pas d’avoir été à l’origine d’un bouleversement des moyens de la pensée. Le paradoxe du cinéma, c’est d’avoir été rapidement considéré comme un instrument d’hégémonie culturelle placé entre les mains des juifs, en dépit de l’antisémitisme de ses inventeurs. La négation de la valeur historique du film de Claude Lanzmann s’enracine tout à la fois dans cette prévention vis-à-vis du cinéma et dans l’insupportable soupçon de manipulation, de partialité, qui s’éveille dès lors qu’un juif aborde, en tant que tel, l’histoire de la Shoah.
Lanzmann n’a pas choisi par hasard le mot Shoah. Il s’agissait de désigner le caractère unique du génocide des juifs, sa planification systématique par le régime nazi, sa place centrale et obsessionnelle dans la politique hitlérienne. Et, ce qui est plus difficile à faire admettre à nos esprits clairs et rationnels, la désignation en hébreu de la Shoah porte aussi la singularité du peuple juif.
L’ Éducation nationale refuse donc un traitement trop singulier, trop juif, ce qui revient à réduire la dimension singulière de l’événement à sa durée et à son ampleur. Il ne faudrait surtout pas que les élèves s’interrogent sur l’histoire des enfants d’Israël, sur ce qui les distingue des autres victimes de génocides, Arméniens, Tzigane, Tutsies, et tant d’autres encore. Bien évidemment, il importe de montrer ce qui unit des peuples différents lorsqu’ils sont victimes de la barbarie. Mais chaque acte criminel s’inscrit dans une histoire. Celle de la haine des musulmans pour les Chrétiens s’agissant du massacre des Arméniens par les Ottomans. Et pour ce qui concerne la Shoah, les inspecteurs d’histoire comprendraient mieux sa spécificité, en relisant l’Enseignement du mépris. L’auteur, cette fois, n’était pas extérieur à l’Education nationale, il avait rédigé des manuels d’histoire que ceux d’aujourd’hui nous font regretter ! Et Jules Isaac montrait comment
l’antisémitisme européen, depuis l’accusation de déicide avait pu conduire au nazisme et à la solution finale. La spécificité de la Shoah, tient à son enracinement dans l’histoire de l’Europe et dans celle du peuple juif.
Ce que l’on reprochait à Catherine Pederzoli et que l’on reproche toujours à l’association Déportation Persécution Mémoire, animée par le rabbin Michel Serfaty, c’est d’inscrire l’histoire de la Shoah dans l’histoire du peuple juif. Mais tout s’explique quand notre manuel d’histoire Hachette pour les classes de première aborde la question de la « Palestine ». J’emploie les guillemets, parce que cette « Palestine » est un territoire imaginaire que nos historiens substituent à la réalité politique, historique et géographique, constituée, depuis 1948, par l’Etat d’Israël. Sur trois pages d’histoire, on n’a pas trouvé le moyen d’employer l’expression reconnue par les Nations Unies, définissant un état souverain, l’Etat d’Israël.
Pourtant ce chapitre consacré au partage de la Palestine comporte un petit encadré indiquant aux élèves le vocabulaire à connaître. Et si le mot hébreu Shoah est désormais proscrit , on introduit en revanche le terme arabe « nakba ». Avec cette définition : « nakba (catastrophe en arabe), expulsion des Palestiniens en 1948 ».
On ne saurait mieux falsifier l’histoire qu’en présentant la création de l’Etat d’Israël comme l’expulsion d’une population légitime. Naturellement, il n’est nullement question de l’appel du muphti de Jérusalem à quitter les régions sous souveraineté juive, pour y revenir après la victoire des armées arabes qui se ruaient sur le nouvel Etat d’Israël. Mais tout le chapitre vise à nier toute légitimité à Israël.
Les élèves de première seront d’autant moins critiques qu’ils auront été préparés, dès la quatrième, par un autre manuel Hachette. On y voit, dans la vieille ville de Jérusalem, une pauvre petite fille brune avançant entre deux rangées de soldats israéliens. Nous sommes dans un pays occupé, dans une ville, Jérusalem, où l’on conviendra que les juifs n’ont rien à faire. En quatrième, il faut un choc émotionnel. L’enfant martyr de Palestine marche entre les soldats juifs !
L’explication viendra en première avec les termes à connaître.
Avec cette définition : « sionisme : idéologie et projet politique visant à créer un Etat juif indépendant en Palestine ».
Le sionisme est une idéologie, terme qui porte désormais une connotation péjorative, renvoyant aux régimes fondés sur une idéologie, les fascismes et le stalinisme. Les élèves ne seront pas instruits de l’histoire du sionisme, comme mouvement d’émancipation nationale du peuple juif, ils devront le considérer à titre d’idéologie.
La libération nationale se trouve de l’autre côté. L’œil est attiré par une photo ainsi légendée : « 1936 manifestation pour l’indépendance la Palestine ». Or, il s’agit d’une manifestation pour la terre aux Arabes, contre le développement du Foyer national juif. Non seulement ces manifestations arabes ne s’opposaient pas au colonialisme britannique, mais elles étaient largement encouragées par les Anglais. Elles servirent de prétexte au contingentement de l’immigration juive, à la veille de la Shoah.
Rien dans ces pages ne permet de comprendre comment et pourquoi des centaines de milliers de juifs se trouvaient sur la terre d’Israël en 1947 – 48 . Le sionisme étant une « idéologie », au mieux un projet politique, on ne saura pas que ce mouvement s’est propagé à travers l’Europe dès sa création. On ne saura rien de son caractère progressiste, de ses structures politiques et de l’organisation du Foyer national avant l’indépendance. Il ne sera jamais question de la place de Sion dans l’histoire et l’imaginaire des enfants d’Israël, bien avant la fondation du sionisme politique. Les élèves apprendront que la « Palestine » a toujours existé, comme pays, ils ne sauront pas que l’administration ottomane l’avait divisé en provinces, dépendant chacune du gouvernement de l’empire. On ne leur dira pas qu’il y avait, à l’époque des Sultans, des populations musulmanes, chrétiennes et juives, mais qu’elle ne formaient pas un peuple palestinien. Surtout : les élèves devront ignorer que le caractère particulier de cette région tient à peuple ancien, qui a bouleversé l’histoire de l’humanité en récusant les idoles païennes et en adoptant une loi écrite, faite de principes qu’aucun monarque ne pouvait modifier, parce ce peuple reconnaissait une autorité, supérieure à celle des hommes. On peut interpréter l’histoire de toutes les manières, être rationaliste, rigoureux, objectif, respectueux de tous les peuples, même quand ils sont deux à revendiquer la même terre. Mais on défigure l’histoire, en retirant au peuple juif son antériorité, en refusant de le considérer comme une nation.
La logique de ce manuel d’histoire tient à la suppression non d’un seul mot mais de deux. Shoah et Israël ! La destruction du peuple dont le nom est Israël, le refus de reconnaître que l’échec de la politique « d’anéantissement » comme ils disent, fut la proclamation de l’Etat indépendant d’Israël.
Ces manuels scolaires fondent un nouvel enseignement du mépris. L’ancien, dénoncé par Jules Isaac, reposait sur un catéchisme, auquel l’Eglise catholique a eu le courage de renoncer. Las ! L’école laïque, qui nous donna pendant plus d’un siècle, l’antidote aux préjugés de l’antisémitisme clérical, l’école laïque diffuse désormais le nouvel enseignement du mépris.
L’antisémitisme naît souvent de la négation d’un père fondateur juif. Il en fut ainsi pour celui de l’Eglise, comme pour celui du communisme. Depuis des années, de réforme en réforme, l’enseignement de l’histoire dans les lycées se veut moderniste, en rupture avec le récit universel et le roman national français que racontaient nos vieux Malet Isaac. Ces merveilleux manuels d’histoire ont formé des générations de lycéens. Ils ont été remisés au grenier des souvenirs, au nom d’une idéologie du respect des diversités. La glorification de l’histoire de France pouvait heurter des élèves issus d’anciens peuples opprimés. Et puis, le récit historique linéaire, la chronologie, les batailles, c’était ringard. Il importait seulement de donner « des clefs pour comprendre », et le nouveau manuel Hachette s’intitule « clefs pour comprendre le XXè siècle ». Après avoir organisé la méconnaissance de l’histoire générale et la liquidation de l’histoire de France, les pédagogues de l’Education nationale proposent des clefs idéologiques, pour comprendre d’où viennent les malheurs du monde. Et ces malheurs ont pour origine l’expulsion des Palestiniens par les juifs, avec pour illustration, une photo montrant des soldats israéliens entassant des Arabes dans un camion. C’est que si le nom de l’état d’Israël est interdit, l’adjectif israélien peut s’employer, mais avec le substantif soldat…
Jules Isaac est loin. On ne songerait même pas à citer son nom et son histoire, à titre de clefs pour comprendre la Shoah, pardon l’anéantissement. Isaac Jules : Historien français radié de l’Université par Vichy. Il consacra les dernières années de sa vie à extirper l’antisémitisme de l’enseignement historique, en souvenir de sa fille et de son gendre, déportés et assassinés, parce que juif. Ce père fondateur de notre enseignement secondaire est aujourd’hui renié, au profit d’une vision manipulatrice de l’histoire.
GK